Bliss est une application de réalité virtuelle à effet thérapeutique. Elle plonge les malades dans un monde imaginaire et tente ainsi de réduire leur anxiété, leur stress et la sensation de douleur. Rencontre avec sa fondatrice.
Mélanie Péron est la fondatrice de L’Effet Papillon, une entreprise sociale qui vise à améliorer la qualité de vie des personnes malades grâce à un accompagnement non médicamenteux. Suite à une expérience difficile de proche de patient, elle tente de trouver une idée qui permettrait aux malades d’échapper un peu à la chambre d’hôpital et de s’évader de la maladie. “Le film avatar m’avait marqué ainsi que les jeux vidéos auxquels jouaient beaucoup les copains à l’époque, lorsque mon compagnon était hospitalisé”, explique Mélanie Péron. Elle se pose alors la question : “Est-il possible de créer un univers virtuel, onirique et de le proposer à des personnes malades, qui sont hospitalisées et vivent des choses difficiles ?”
“Bliss signifie la félicité, une grande joie. C’est aussi le nom d’une chanson de Muse que j’aime beaucoup” – Mélanie Péron, créatrice de l’application Bliss
Réalité virtuelle : 1er test lors d’une ponction de moelle osseuse
Le premier prototype, réalisé avec six étudiants en école d’ingénieurs, voit le jour en 2011. La même année, il sera présenté à Laval Virtual, l’un des plus grands salons au monde. Très bien accueilli, la jeune femme décide de poursuivre l’aventure : « Nous avons fait une étude clinique, commencé à l’essayer avec des patients et avons vu que ça fonctionnait. On s’est dit que nous devions continuer. » Le premier test a lieu en 2016 durant une ponction de moelle osseuse, après plusieurs années à perfectionner Bliss avec des médecins, chercheurs…
« La patiente en avait déjà eu plusieurs. Cette fois, elle a dit qu’elle n’avait rien senti. Les médecins ont donc essayé d’utiliser Bliss à la place d’autres médicaments, sur des gestes encore plus douloureux… Et ils ont tout de suite vu que ça fonctionnait », explique Mélanie Péron. Aujourd’hui, l’application peut être utilisée durant des biopsies mammaires, de peau, de moelle osseuse, l’extraction de dents de sagesse… « L’application est sur le téléphone. On la lance et on met le téléphone dans le casque de réalité virtuelle, qu’on place sur sa tête. On est tout de suite immergé dans un autre monde : poétique, doux, gentil avec des créatures imaginaires… On se retrouve comme dans une bulle puisqu’il y a le visuel mais aussi des sons », détaille Mélanie Péron.
« Bliss m’apporte du repos »
L’idée de Mélanie Péron n’est pas de remplacer les médicaments mais de proposer une alternative, une solution complémentaire sans effets secondaires. « Les médicaments ont aussi leurs limites. Ils ne permettent pas de tout gérer. Il y a aussi beaucoup des patients qui ont des traitements ou des maladies lourdes pour lesquelles ajouter plus de médicaments engendrent plus de complications. D’autres souhaitent aussi trouver d’autres solutions », explique la fondatrice.
Elena, 15 ans, est atteinte d’une maladie orpheline et de la maladie de Lyme. L’adolescente a régulièrement recours à Bliss : « Il y a 6 mois, j’étais traitée par perfusion, c’était un traitement qui était assez lourd. Je me faisais piquer 3 à 4 fois par semaine. Je n’ai pas du tout peur des piqûres ou de la douleur mais au fur et à mesure quand on a les bras remplis d’hématomes, ça fait du bien de ne pas regarder ou d’avoir autre chose. Je prenais beaucoup de morphine et je voulais aussi réduire parce que ce n’est clairement pas bon. Et quand les reins commencent à en pâtir, ce n’est pas bon non plus. » Sur les bienfaits de l’application de réalité virtuelle, elle développe : « Bliss m’apporte du repos. Cela m’aide beaucoup à m’endormir quand je n’ai pas pu marcher de la journée et que j’ai les hanches en feu. L’application me fait oublier beaucoup de douleurs et puis aussi l’imagination est vraiment développée, ça fait du bien. »
Crowdfunding : un projet pensé pour et avec les gens
Pour lancer le 1er univers, L’Effet Papillon avait lancé son crowdfunding en mai 2016. « On a collecté plus de 25 000 euros en 2 mois avec 332 contributeurs de France, de Belgique, d’Italie, du Canada, du Japon… Toute une communauté a été sensibilisée au projet. Cela nous a permis de créer le premier univers et de développer une certaine crédibilité qui nous a permis, ensuite, de débloquer d’autres sources de financement avec des banques, des prêts… », raconte la dirigeante.
Pour cette dernière, passer par le financement participatif était aussi une question de cohérence : « C’est un projet qui est pensé pour et avec les gens ». Les financeurs de Bliss sont devenus de véritables ambassadeurs de l’application : « Le crowdfunding m’a permis de rencontrer beaucoup de monde et aujourd’hui, d’avoir communauté qui est super active. Dès qu’ils entendent des choses qui pourraient ressembler ou des endroits où nous pourrions nous développer, ils me les partagent. »
Deux ans après la collecte de crowdfunding de Bliss, 3 environnements, entre 15 et 40 minutes, ont vu le jour. Bliss commencent à rentrer dans les hôpitaux : trois pour le moment et une dizaine sont en attente. Les soignants souhaiteraient également en bénéficier pour se relaxer durant leur pause. « Nous sommes également en démarche de certification et le rêve ultime serait que les actes réalisés avec Bliss puissent être remboursé par la sécurité social ! », conclut la dirigeante.